Françoise NORE

Françoise NORE

J - K


J - K

J'ai envie de dire

          Expression qui fait partie d'une vaste famille de tournures signifiant « je meurs d’envie de dire ». À prononcer d’un air pénétré, pour attirer encore plus l’attention sur ce que l’on va proférer.

 

J'allais dire

          Autre membre de la famille à rallonge évoquée dans le paragraphe précédent, J’allais dire s’emploie pour faire croire que l’on prend des précautions oratoires alors que, en réalité, on grille d’impatience d’avancer un argument que l’on estime percutant.

 

J'avoue

          Normalement, le fait d'avouer induit que l'on admet, souvent après l’avoir nié, avoir fait quelque chose de condamnable ou de répréhensible. Or, j’avoue semble aujourd’hui signifier « oui, je suis d’accord ». Vu la fréquence d'emploi de ce tic de langage, certains ont dû grandir dans une dictature, sait-on jamais, ou dans le monde judiciaire.

 

Je dis ça je dis rien

          Mode d’emploi de cette expression : émettre quelque perfidie, puis laisser tomber cette petite phrase, censée servir d'atténuateur, alors que l’on veut en fait assener une opinion propre à accabler l’auditoire, voire à l’écraser de sa supériorité ou de son savoir. À formuler avec un sourire dans le ton, pour enfoncer le clou.

 

J'imagine

          Tournure chafouine qui exprime non un effort de conception, mais une fausse compassion aux problèmes de son interlocuteur : en rétorquant J’imagine, on assure ce dernier de son empathie, alors que l’on prie pour qu’il arrête de s’épancher. À lâcher d’un ton neutre afin de ne pas relancer le pleureur, qui devrait donc se sentir compris et se taire, mais les choses se passent rarement de la sorte. On peut alors essayer J’imagine bien ; parfois, cela suffit.

 

J'te raconte pas

          Sert généralement à annoncer une chose ou un fait que l'on brûle de narrer. Une façon comme une autre d’instiller du suspense dans la vie quotidienne.

 

 Jubilatoire

          Adjectif dont le sens authentique est « qui procure une joie vive et expansive ». Las, les adorateurs des mots à la mode s’en sont emparés, notamment dans le domaine de la critique artistique : il n’est pas un jour sans que ne sorte ou ne soit publié un livre, un film ou un disque jubilatoire. Question : toutes ces nouveautés provoquent-elles une joie vive et expansive ? Adoré des paresseux, chez qui la recherche d’un mot précis est source de migraines épouvantables.

 

Juste

          Mot à la mode particulièrement pénible. Certes, il est correct de dire Je voulais juste te dire un petit mot, mais coller juste à un adjectif est un barbarisme doublé d’un anglicisme. Notons que les gens normaux, eux, disent tout simplement ou complètement. Vénéré de certains animateurs, notamment à la télévision, qui ont largement dépassé la cinquantaine et s’imaginent rester jeunes en parlant de la sorte, ce tic de langage est juste exaspérant.

 

Kafkaïen

          Comme bien d’autres adjectifs relatifs à un écrivain ou à une œuvre littéraire, tels dantesque, gargantuesque ou ubuesque, kafkaïen a les faveurs de nombre de parleurs, qui l’utilisent à la place d’angoissant ou d’oppressant : il s’agit en effet de faire croire que l’on a du vocabulaire et que l’on a lu des ouvrages de Franz Kafka, puisque l’on se permet de se référer à cet auteur. Idée, pour débusquer les bavards adorateurs des mots dans le vent : leur demander le nom du personnage principal de La Métamorphose. Véritable jubilation garantie.

 

 


04/04/2020
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