Françoise NORE

Françoise NORE

Calculer


L'amour des mathématiques

 

– Tu viens avec nous, au Macumba ?

– Attends, je calcule.

– Il y aura Toinou.

– Ah non, alors je ne viens pas, il ne me calcule jamais, celui-là !

 

 

Normalement, en français standard, calculer indique que l'on procède à une opération arithmétique, que celle-ci soit mentale, orale ou écrite. Normalement. Or, dans le Sud-Est, le verbe calculer a été doté de deux sens supplémentaires. Explications.

 

Calculer "trouver une valeur numérique à l'aide d'un calcul" est, bien sûr, connu sur les rives de la Méditerranée. Mais, comme le Sudiste chérit l'innovation lexicale, il a enrichi l'étendue d'emploi de ce verbe : dans le Midi, quand quelqu'un répond qu'il calcule après qu'on lui a demandé ou proposé quelque chose, cela signifie qu'il réfléchit, tout simplement. On comprend aisément le processus métaphorique à l'œuvre dans cette nouveauté : on calcule, autrement dit on évalue les conséquences de la réponse que l'on va donner. Tout cela est très élaboré.

 

Le second de ces sens locaux est, à première vue, plutôt étonnant, même si on peut envisager, dans ce cas également, un possible glissement métaphorique à partir du sens de "réfléchir". Calculer quelqu'un signifie en effet "prêter attention à quelqu'un" : si on ne le calcule pas, cela signifie qu'on ne pense pas à lui, donc que l'on ne réfléchit pas à sa personne. On notera que, dans ce cas, calculer ne s'emploie guère à l'affirmatif, mais plutôt à la forme négative.

 

De ce qui précède, il ressort que, quand on entend un local se plaindre de ne pas avoir été calculé par un autre quidam, il faut comprendre qu'il déplore l'indifférence manifestée envers sa personne. Bien sûr, très souvent, ce constat s'accompagne d'une volée d'épithètes peu flatteuses pour le désinvolte, mais cela fera l'objet d'un article ultérieur consacré aux noms d'oiseaux provençaux. Et Dieu sait s'ils sont nombreux, outre la célèbre bartavelle.

 

 

 

 

 


03/11/2013
1 Poster un commentaire