Auto-
On sait qu'un verbe transitif peut être actif, passif ou pronominal : dire, être dit, se dire. On sait également que, pour exprimer l'emploi réfléchi d'un nom, il convient d'utiliser le préfixe auto- : autosuggestion, autosatisfaction, etc. Mais, en ce qui concerne les verbes, on veillera à ne pas cumuler le pronom se et le préfixe auto- sous peine de sombrer dans le pléonasme. Ainsi, s'automutiler est redondant, là où se mutiler est suffisant.
Cela étant, il faut malgré tout éviter les ambiguïtés : certains verbes pronominaux ont à la fois un sens réfléchi (l'action est dirigée vers le sujet) et un sens réciproque (l'action est dirigée vers autrui et vice versa). Cette ambiguïté est présente par exemple dans se féliciter, utilisé entre autres sens avec celui de "se réjouir de quelque chose", sens moderne et critiquable : a-t-on jamais vu quelqu'un se tresser des couronnes de laurier pour fêter l'heureux résultat d'une entreprise à laquelle il n'a pas participé …. Donc, si l'on dit les ministres se sont félicités des décisions prises par le gouvernement, cela peut signifier deux choses : soit les ministres ont exprimé une certaine autosatisfaction, car on n'est jamais aussi bien servi que par soi-même (sens réfléchi moderne), soit ils se sont congratulés les uns les autres (sens réciproque). Dans ce genre de cas, pour la clarté de l'énoncé, on pourrait exceptionnellement accepter les ministres se sont autofélicités pour indiquer le sens réfléchi, ce qui signifie que l'on a assisté à un grand moment de glorification des égos.
Il existe aussi des cas apparemment insolubles, ceux où un verbe pronominal a deux sens bien distincts. Prenons l'exemple de se masser "pratiquer des massages sur soi ou sur autrui" et "s'agglutiner à plusieurs en un même lieu". Comment comprendre une phrase comme les kinésithérapeutes se sont massés devant le ministère de la Santé ? Doit-on imaginer des auxiliaires médicaux occupés à se pétrir soi-même (emploi réfléchi) ou les uns les autres (emploi réciproque), ou bien encore à se presser contre les grilles du bâtiment en question (sens totalement différent) ? Dans ce cas, le préfixe auto- peut lever l'ambiguïté entre les première et deuxième propositions, mais il est inopérant dans le troisième cas, pour lequel il apparaît nécessaire de choisir un autre verbe.
On constate ainsi qu'il convient d'utiliser auto- avec circonspection, et uniquement lorsqu'une bonne compréhension de l'énoncé requiert son emploi.
Cet article est extrait de l'ouvrage suivant :
Dictionnaire du bon français contemporain, avec des exemples effrontés et des commentaires insolents
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