Françoise NORE

Françoise NORE

P - Q

 Partenaires sociaux

     Les partenaires sociaux sont les syndicats, ceux des salariés et ceux des patrons. On aura remarqué la faveur dont jouit l'adjectif social, utilisé pour insister sur le côté positif de ce dont on parle. Mais cette méthode Coué peut tourner au couac : pensons donc au fameux plan social, qui n’est rien moins qu’un licenciement collectif. On cherche encore en quoi ce type de mesure peut être jugé favorable à ceux qui sont concernés. Tu es viré, Camarade, mais c'est social. Ah bon.

 

Pas de souci

          Voilà une expression qui a la vie dure. Née vers la fin des années quatre-vingt dix, Pas de souci est toujours utilisée par les paresseux qui ont la flemme de dire Ne vous inquiétez pas. A remplacé pas de problème, qui commence à faire un peu daté. Toujours plus pressés que tout le monde, les adeptes du langage SMS utilisent la forme tkt, qui représente T’inquiète, de même sens. On vit une époque décidément très moderne.

 

Pause méridienne

          Interruption temporaire du travail se produisant vers midi et consistant à s’alimenter avec ses collègues dans le brouhaha de leurs bavardages, lesquels tournent immanquablement autour du travail, car certains ne décrochent jamais. Appellation en vogue dans les entreprises qui se veulent innovantes, selon un mot bien répandu dans ce monde. Ajoutons que la pause méridienne se fait généralement au restaurant d'entreprise, plus rarement au bistrot du coin, trop popu, ou bien dans l’espace détente. Ailleurs, on va déjeuner à la cantine de la boîte, et on mange aussi bien.

 

Pétales

          Le beau parleur ne mange pas des tranches d'un aliment, mais des pétales. Probablement a-t-il ainsi la bucolique sensation de se téléporter à la campagne, qui sait. Adorés de ceux qui ne savent pas cuisiner et qui, après avoir regardé l’une des plaies contemporaines du petit écran que sont les émissions culinaires, se récrient devant des pétales de pomme de terre, appelés chips par les gens normaux. Extase garantie si ces pétales sont servis en un lieu bistronomique recommandé par les collègues de bureau durant la pause méridienne (voir plus haut), car on ne saurait aller au simple troquet du coin.

 

Planète

          Corps céleste unique, tournant en orbite autour du Soleil. Unique, car on entend toujours l’expression la planète, ce qui tendrait à prouver qu’il en existe une seule dans tout l’univers. Chacun connaît la phrase C’est bon pour la planète, popularisée par une sympathique présentatrice de bulletins météo télévisés mais un peu fatigante à la longue, avec ce mantra.

 

Portionner

          Trouvaille contemporaine remplaçant, pour certains hâbleurs, le verbe d’ancien français partager. Une calamité arrivant rarement seule, on trouve maintenant des produits alimentaires portionnables. C’est la vie.

 

Positiver

          À l'origine, positiver signifiait « rendre positif » et se cantonnait dans un usage purement intellectuel. Seulement, le slogan publicitaire d’une certaine chaîne d’hypermarchés est passé par là. Et c’est pourquoi l’on n'incite plus le déprimé à être optimiste ou à voir les choses du bon côté, mais à positiver. L’influence de la publicité est redoutable. Note : à quelqu’un qui cherche en vain d’anciens négatifs, éviter de lui recommander de positiver, il pourrait en prendre ombrage.

 

Prioriser

         Certains bavards ne veulent pas traiter en priorité telle ou telle chose, mais la prioriser. Vénéré dans les rédactions, où l’on se met facilement à genoux devant les verbes terminés par -iser.

 

Proactif

          Il y a quelques années, le monde enchanté de la cosmétique avait lancé des produits proactifs, censés faire rajeunir toute acheteuse de ces crèmes et sérums révolutionnaires. Aujourd'hui, proactif est également employé dans l’univers merveilleux des entreprises, où l'on qualifie volontiers de proactif toute personne volontariste, dynamique ou réactive. Mais attention à ne pas critiquer le nouveau proactif si on passe ses journées dans une boîte qui fabrique des produits de beauté ; il pourrait en effet y avoir ambiguïté.

 

Procrastination

          Depuis qu'un petit malin a lancé le nom procrastination dans les médias, c'est la ruée : tout un chacun l’emploie à tour de plume ou à tour de micro. Bien sûr, sachant que procrastiner signifie « ajourner, remettre au lendemain », la procrastination est donc l'ajournement. Mais procrastination est bien plus élégant. Et puis, diable, quelle longueur.

 

Quelque part

          Expression qui semble être passée de mode, que l’on employait à la place de en quelque sorte ou de dans une certaine mesure. S’entend toutefois encore par-ci par-là, mais peut-être est-ce la mode du vintage.

 

Qui est le mien

          Le parler snob actuel adore remplacer des mots et expressions brefs par des choses démesurées. L'adjectif possessif semble aussi subir ce sort, supplanté qu'il est par une phrase, en l'occurrence qui est le mien : ainsi, mon travail devient le travail qui est le mien. Cette emphase, si elle peut être acceptée dans certains contextes pour des raisons stylistiques, ne doit pas être utilisée jusqu'à l'abus. Faisons-le remarquer aux politiques, en particulier, qui adorent s'exprimer ainsi.

 

Qui va bien

          Contrairement à ce que l’on pourrait penser, cette tournure n’est pas née ces dernières années, car nous en avons trouvé une occurrence dans un feuilleton télévisé de 1968. Semble surtout utilisée en cuisine : tu nous mettras avec ça le petit rosé bien frais qui va bien. Peut aussi être proférée dans tout contexte où on a la paresse d’employer des tournures très complexes comme qui l'accompagne (parfaitement) bien. L'époque est flemmardeuse.

 

Quoi

          Adverbe interrogatif auquel il arrive de terminer des phrases, ce qui n’est pas normal, car cela n’ajoute aucune information au propos tenu : Demain, on ira au cinéma, quoi. On comprend que, à l’instar de tournures comme du coup ou en fait, quoi utilisé ainsi est tout simplement une béquille du langage. Mais il peut aussi servir pour appuyer une argumentation, notamment une incompréhension : T’es une fille, t’as pas de shampoing ?! Non mais allô, quoi ! Dans ce dernier exemple, quoi ! pourrait être remplacé par mais enfin !, que diable !, j’en suis totalement abasourdi(e) ! À condition que ce soit une autre personne qui s’exprime, évidemment.

 

 



26/05/2020
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