GRAMMAIRE
Cette catégorie propose des fiches sur des points de grammaire particulièrement délicats de notre langue.
Adjectif verbal et participe présent
Le participe présent et son dérivé l’adjectif verbal sont deux formes terminées par -ant et parfois difficiles à distinguer l’une de l’autre. Il existe pourtant quelques moyens de les différencier :
– le participe présent est invariable et évoque une action en train de se dérouler :
Nous marchons en sifflant.
– au contraire du participe présent, l’adjectif verbal est naturellement variable et exprime plutôt un état ou une propriété :
Le président n'a pas fourni d'explications éclairantes.
En dehors de l'accord en genre et en nombre, il arrive que la graphie du participe présent et celle de l’adjectif verbal diffèrent. C’est ce que l'on observe dans les catégories suivantes.
Alternance entre les finales -ant et -ent
Quelques verbes présentent une alternance à leur finale entre les graphies -ant et -ent : le participe présent a une terminaison régulière en -ant mais l'adjectif verbal se termine par -ent. Le tableau suivant donne les verbes ayant cette alternance :
Participe présent |
Adjectif verbal [1] |
|
adhérer |
(en) adhérant |
adhérent |
affluer |
(en) affluant |
affluent |
coïncider |
(en) coïncidant |
coïncident |
converger |
(en) convergeant |
convergent |
déférer |
(en) déférant |
déférent |
déterger |
(en) détergeant |
détergent |
différer |
(en) différant |
différent |
diverger |
(en) divergeant |
divergent |
émerger |
(en) émergeant |
émergent |
équivaloir |
(en) équivalant |
équivalent |
exceller |
(en) excellant |
excellent |
exiger |
(en) exigeant |
exigeant [2] |
expédier |
(en) expédiant |
expédient |
influer |
(en) influant |
influent |
négliger |
(en) négligeant |
négligent |
obliger |
(en) obligeant [3] |
obligeant |
précéder |
(en) précédant |
précédent |
présider |
(en) présidant |
président |
résider |
(en) résidant |
résident |
somnoler |
(en) somnolant |
somnolent |
Remarques
Jusqu'en 1679, date d'une décision de l'Académie imposant l'emploi du pronom en devant le participe présent, on pouvait utiliser ce dernier sans le pronom. Il reste de cet usage quelques expressions figées dans lesquelles la forme verbale est un participe présent et non un adjectif verbal :
chemin faisant = "en faisant chemin, en cheminant" ;
argent comptant = "en comptant l'argent" ;
tambour battant = "en battant tambour" ;
ce disant = "en disant cela".
En outre, jusque vers la fin du XVIIe siècle, le participe présent était variable. Quelques expressions figées comportant un participe présent variable sont toujours présentes dans la langue contemporaine, notamment dans la langue juridique :
toutes affaires cessantes ;
séance tenante ;
des ayants droit ;
les tenants et aboutissants ;
à la nuit tombante ;
à cinq heures sonnantes ;[4]
la partie plaignante.
Verbes se terminant par -guer
Les verbes dont l'infinitif se termine par -guer conservent ce u dans leur participe présent mais le perdent dans leur adjectif verbal. Le tableau suivant donne les principaux verbes ressortissant à cette catégorie :
Verbe |
Participe présent |
Adjectif verbal |
déléguer |
(en) déléguant |
délégant |
divaguer |
(en) divaguant |
divagant |
extravaguer |
(en) extravaguant |
extravagant |
fatiguer |
(en) fatiguant |
fatigant |
fringuer |
(en) fringuant |
fringant |
intriguer |
(en) intriguant |
intrigant |
naviguer |
(en) naviguant |
navigant |
zigzaguer |
(en) zigzaguant |
zigzagant |
On notera que les noms ou adjectifs dérivés de ces verbes ou d'autres verbes terminés par -guer qui n'ont pas d'adjectif verbal correspondant perdent également le u du radical : élagage, largage, navigable, tangage, etc. Les participes présents conservent ce u : (en) élaguant, (en) larguant, (en) tanguant, etc.
Verbes se terminant par -cre ou par -quer
Lorsqu'un verbe se terminant par -cre ou par -quer compte parmi ses dérivés un nom terminé par -cation ou par -ction, son participe présent se termine par -quant et son adjectif verbal par -cant. Le nom de cette famille se termine également par -cant : un communicant.
Mais si un verbe terminé par -cre ou par -quer n'a pas de nom dérivé terminé par -cation ou par -ction, le participe présent et l'adjectif verbal se terminent tous les deux par -quant, tout comme le nom dérivé de l'adjectif verbal : un attaquant.
Verbe |
Nom dérivé en -cation ou -ction |
Participe présent |
Adjectif verbal |
Nom en -cant ou -quant |
attaquer |
attaquant |
attaquant |
||
bloquer |
bloquant |
|||
choquer |
choquant |
|||
claquer |
claquant |
|||
claudiquer |
claudication |
claudiquant |
claudicant |
|
communiquer |
communication |
communiquant |
communicant |
communicant |
convaincre |
conviction |
convainquant |
convaincant |
|
critiquer |
critiquant [5] |
|||
croquer |
croquant |
croquant |
||
décortiquer |
décortication |
décortiquant |
décorticant |
|
(délinquer) |
(délinquant) |
délinquant |
||
fabriquer |
fabrication |
fabriquant |
fabricant [6] |
fabricant |
intoxiquer |
intoxication |
intoxiquant |
intoxicant |
|
manquer |
manquant |
|||
marquer |
marquant |
|||
paniquer |
paniquant |
|||
piquer |
piquant |
piquant |
||
pratiquer |
pratiquant |
pratiquant |
||
provoquer |
provocation |
provoquant |
provocant |
|
suffoquer |
suffocation |
suffoquant |
suffocant |
|
trafiquer |
trafiquant |
trafiquant |
||
vaquer |
vacation |
vaquant |
vacant |
On remarquera la graphie de certains mots qui s’écrivent avec la finale -cant bien qu’ils ne soient pas dérivés d'un verbe se terminant par -quer : capricant, radicant, sécant, urticant, prédicant.
[1] Une grande partie de ces adjectifs peuvent être employés comme noms, sans changement graphique.
[2] On notera la graphie du nom exigence, différente de celle de l'adjectif.
[3] Contrairement à exigence, les mots obligeance et obligeamment conservent le a présent dans l'adjectif.
[4] On peut aussi dire à cinq heures sonnant, mais, pour les syntagmes suivants, seul l'emploi du participe présent, mot invariable, est accepté : à une heure sonnant, à midi sonnant, à minuit sonnant.
[5] L'adjectif critiquable s'écrit également avec qu-.
[6] L'emploi adjectival de fabricant est très rare, mais il existe.
Indicatif ou subjonctif ?
Ce problème affecte surtout les propositions complétives, c'est-à-dire les propositions qui ont le rôle de COD du verbe de la proposition principale, mais non uniquement.
Place du subjonctif
Normalement, le subjonctif n'est jamais utilisé dans une proposition principale, sauf dans les deux cas suivants :
L'impératif
Les troisièmes personnes singulier et pluriel de l'impératif sont au subjonctif :
Qu'il aille à cette soirée, s'il y tient !
Qu'ils aillent à cette soirée, s'ils y tiennent !
Le subjonctif est également utilisé pour l'impératif des verbes être, avoir et savoir :
Sois bon, aie du courage et sache faire ton devoir !
C'est également le cas de vouloir, mais, pour ce verbe, les formes des première et deuxième personnes du pluriel, veuillons et veuillez, sont différentes de celles de l'indicatif et du subjonctif.
Savoir
Savoir est utilisé au subjonctif dans une proposition principale dans le cadre de la tournure suivante :
Je sache que Léo est encore en retard.
Je ne sache pas que Léo soit à l'heure.
Les propositions complétives
Propositions complétives toujours à l'indicatif
Les verbes et locutions verbales suivants introduisent des complétives qui sont toujours à l'indicatif, que la proposition principale soit à la forme affirmative ou à la forme négative :
concéder
décréter
expliquer
on dirait que
reconnaître
savoir
sentir
Il existe toutefois une incertitude sur la locution on dirait que, pour laquelle le subjonctif à la suite d'une proposition principale négative semble possible :
On ne dirait pas que Léo est / soit venu.
Propositions complétives à l'indicatif ou au subjonctif
Les verbes dont la liste est donnée ci-après se caractérisent par la règle générale suivante :
– s'ils sont à l'affirmatif, le verbe de la complétive est à l'indicatif :
Je suis sûr qu'il est là.
– s'ils sont au négatif, le verbe de la complétive est au subjonctif :
Je ne suis pas sûr qu'il soit là.
Voici un classement sémantique de ces verbes :
opinion
avoir l'impression considérer croire espérer estimer juger penser s'indigner supposer trouver
|
véracité d'un fait
affirmer apprendre assurer certifier être certain être exact (impers.) être sûr être vrai (impers.) imaginer savoir
|
constatation
constater découvrir être clair (impers.) être évident (impers.) montrer observer reconnaître remarquer s'apercevoir se rendre compte s'ensuivre (impers.) voir
|
déclaration
affirmer annoncer déclarer dire ("affirmer") écrire expliquer indiquer paraître (impers.) prétendre raconter répéter répondre se flatter |
Remarque 1
Les verbes de constatation et de déclaration au négatif peuvent être suivis d'une complétive à l'indicatif et non au subjonctif, si celui qui parle désire insister particulièrement sur une modalité. Soit la phrase suivante :
La radio annonce que le métro est en grève
On peut avoir deux formes avec la proposition principale au négatif :
La radio n'annonce pas que le métro est en grève : indicatif
(la radio ne l'annonce pas, mais je sais que le métro est en grève)
La radio n'annonce pas que le métro soit en grève : subjonctif
(la radio n'en parle pas, et j'ignore si le métro est vraiment en grève ou non)
Remarque 2
Il existe un cas particulier, celui de l'expression aller faire quelque chose. Ici, le choix entre indicatif et subjonctif n'est pas dû à une modalité, mais au sémantisme de l'expression :
– si le verbe aller conserve son sens de déplacement, aller faire quelque chose suit la règle générale :
Je pense que Léo va faire les courses : indicatif
Je ne pense pas que Léo aille faire les courses : subjonctif
– si le verbe aller n'a pas son sens de déplacement, l'expression reste inchangée :
Je pense que Léo va écrire un nouvel article : indicatif
Je ne pense pas que Léo va écrire un nouvel article : indicatif
Propositions complétives toujours au subjonctif
Tous les verbes et locutions verbales suivants, qu'ils soient à l’affirmatif ou au négatif, sont toujours suivis d'une complétive au subjonctif :
désir d'agir
accepter avoir besoin avoir envie conseiller défendre désirer dire "ordonner" être indispensable (impers.) être nécessaire (impers.) exiger faire en sorte falloir (impers.) interdire mieux valoir (impers.) permettre préférer préférer proposer refuser souhaiter suggérer vouloir |
sentiment
ça (m') ennuie ça (me) surprend être content, satisfait, indigné, etc. être dommage (impers.) être normal (impers.) être normal (impers.) être triste regretter se réjouir
doute ou possibilité
arriver (impers.) douter être possible (impers.) être probable (impers.) s'expliquer mal |
crainte
appréhender avoir peur craindre redouter
état
attendre |
Quelques cas délicats
Il existe quelques verbes et locutions verbales pour lesquels il est difficile de trancher.
Sembler et sembler que (impersonnels)
Pour sembler que, l'indicatif ou le subjonctif paraissent être possibles en phrase affirmative, tandis que seul le subjonctif semble convenir en phrase négative :
Il semble que Léo est / soit venu
Il ne semble pas que Léo soit venu
Curieusement, en ce qui concerne me (te …) sembler que, la règle exigeant l'indicatif après proposition affirmative et le subjonctif après proposition négative paraît être respectée :
Il me semble que Léo est venu
Il ne me semble pas que Léo soit venu
Admettre "reconnaître, concéder" et admettre "accepter, tolérer"
Le cas d'admettre est étonnant ; en effet, selon le sens de ce verbe, la distribution entre indicatif et subjonctif est différente :
– lorsque admettre signifie "reconnaître, concéder", l'indicatif semble être systématiquement obligatoire :
Léo admet que ses étudiants font du bon travail
Léo n'admet pas que ses étudiants font du bon travail
– lorsque admettre signifie "accepter, tolérer", le subjonctif s'impose dans tous les cas :
Léo admet que ses étudiants fassent des plaisanteries en cours
Léo n'admet pas que ses étudiants fassent des plaisanteries en cours
Locutions et subjonctif
Les locutions suivantes introduisent des propositions subordonnées qui sont toujours au subjonctif :
à condition que à moins que à supposer que afin que au lieu que avant que bien que d'aussi loin que de crainte que de façon que de manière que de peur que du plus loin que en admettant que en attendant que en sorte que encore que jusqu'à ce que malgré que + avoir |
moyennant que peu s'en est fallu que pour autant que pour peu que pour que pourvu que quel que quelque... que qui que quoi que quoique sans que si bien que si peu que si tant est que soit que... soit que … supposé que trop... pour que |
Les propositions relatives
On peut rencontrer le subjonctif dans une proposition relative ; c'est le sens qui indique s'il faut ou non utiliser le subjonctif :
Nous avons des amis qui sont très sympathiques
Fait réel : indicatif
Nous cherchons une femme de ménage qui fasse du bon travail
Fait non encore réel ou non encore réalisé : subjonctif
L'accord du participe passé sans auxiliaire
Fini et terminé placés à la tête d'une phrase
Il est assez courant d'hésiter au sujet de l'accord d'un participe passé placé au début d'une phrase. Or, pour les participes fini et terminé, la règle est assez simple : ces participes s’accordent avec le nom qu’ils accompagnent si le sens de la phrase permet cet accord. Dans l'exemple suivant, ce sont bien les soucis qui sont finis, et le participe est donc variable puisqu'il apparaît comme un attribut du nom :
Finis, les soucis !
Mais si l'on considère que fini est une ellipse de l'expression C’est fini, il doit être invariable. Dans la phrase suivante, ce qui est fini, c'est la présence de taches incrustées à vie et non les taches elles-mêmes, car on ne peut dire d'une tache qu'elle est finie :
Fini, les taches de sauce tomate incrustées à vie !
Théoriquement, terminé devrait suivre cette règle du choix entre la variabilité et l'invariabilité, mais il est généralement variable :
Terminés, les soucis ?
Le cas des autres participes passés
En ce qui concerne les autres participes passés ou locutions participiales utilisés au début d'une phrase, la règle est plus subtile et donc plus difficile à manier.
Si l'on considère qu'ils ont un rôle et un fonctionnement de préposition, et s'ils sont d'ailleurs remplaçables par une préposition, les participes passés ou locutions ci-dessous sont invariables dans les trois cas suivants : s'ils se trouvent au début d'une phrase, s'ils précèdent un nom accompagné ou non d'un article, ou bien s'ils sont employés seuls :
approuvé, attendu, certifié, communiqué, compris (ainsi que non compris et y compris), entendu, étant donné, excepté, excepté que, fourni, lu, mis à part, ôté, ouï, passé, quitté, reçu, supposé, vu.
Passé sept ans (= après sept ans), les enfants savent lire couramment.
Toutes ses filles sont mariées, excepté la plus jeune (= sauf la plus jeune).
On notera que, dans l'usage littéraire, passé est assez souvent accordé avec le nom qui le suit :
Passées les courses de feria, il me faudra revenir (Montherlant cité par Grevisse).
Toutefois, certains de ces participes passés peuvent être variables s'ils sont ressentis comme des participes passés de sens plein :
Mises à part mes meilleures amies, personne n'a téléphoné.
Ils sont également variables lorsqu''ils sont placés après le nom :
Toutes ses filles sont mariées, la plus jeune exceptée.
Mes meilleurs amies mises à part, personne n'a téléphoné.
Mais ce n'est pas le cas pour tous ces participes et locutions ; certains d'entre eux, ne pouvant ni commuter avec une préposition ni être déplacés, demeurent des participes invariables :
Étant donné les circonstances, nous n'irons pas voter.[1]
Le cas de ci-annexé, ci-inclus et ci-joint
Les locutions participiales ci-annexé, ci-inclus et ci-joint sont variables lorsqu'elles sont épithètes et qu'elles suivent immédiatement le nom qu'elles accompagnent :
Veuillez remplir la déclaration ci-jointe.
Ne communiquez à personne les pièces ci-jointes, c'est secret défense.
Elles sont également variables lorsqu’elles sont attributs du sujet ou d'un pronom relatif, ou bien si elles sont mises en apposition, même si cette structure est relativement rare :
Votre lettre est ci-jointe.
Ci-incluses, ces pièces vous sont communiquées pour information.
Retournez-moi les formulaires que vous trouverez ci-annexés.
La lettre que vous trouverez ci-incluse vous fournira les renseignements désirés.[2]
Vous trouverez, ci-incluse, la meilleure offre que nous pouvons vous faire.[3]
Mais ces locutions sont invariables quand elles précèdent un groupe nominal, surtout si celui-ci n'a pas d'article. On considère alors qu'il n'y a pas ici de mise en apposition :
Ci-joint copie des écoutes téléphoniques demandées par le ministre.
Vous trouverez ci-joint une copie des écoutes ordonnées par le président.
[1] Les textes littéraires anciens fournissent plusieurs exemples dans lesquels étant donné est accordé, mais c'est l'invariabilité qui prévaut aujourd'hui en la matière.
[2] On rencontre parfois la locution ci-attaché, mais il s'agit là d'un anglicisme qu'il convient d'éviter.
[3] Normalement, lorsque l'on parle d'un document mis sous enveloppe, il vaut mieux utiliser ci-inclus plutôt que ci-joint.
L'accord du participe passé avec "être"
Cas général
Le participe passé d'un verbe simple conjugué avec l'auxiliaire être à la voix active ou passive s'accorde en genre et en nombre avec le sujet :
Le président et sa concubine sont interrogés par les journalistes.
Cas particulier du pronom on
Lorsque le sujet d'un verbe de ce type a le pronom on pour sujet, et quand on a le sens de "l'être humain en général" ou représente une personne que l'on ne veut ou ne peut nommer, on considère que ce on ressortit à la catégorie des pronoms indéfinis et, de ce fait, le participe passé est invariable :
Le 21 juillet 1969, on est allé sur la Lune.
Mais quand on peut être remplacé par nous, l'accord est possible et le participe passé peut donc être variable :
"On est arrivés !", lancent le président et sa femme.
La femme a dit : "Le président et moi, on est allés incognito au cinéma".
Accord du participe passé
L'accord du participe passé avec le complément d'objet direct concerne, par définition, uniquement les verbes transitifs directs.
Cas général
COD placé après le participe passé
Le participe passé est invariable quels que soient le genre et le nombre du COD :
Le politicien véreux a bourré les urnes.
COD placé avant le participe passé
Le participe passé s'accorde en genre et en nombre avec le COD placé avant lui :
Les critiques que le candidat à la primaire a essuyées devraient le faire réfléchir.
Quelles magouilles avez-vous cachées aux électeurs ?
Participes passés suivis d'un infinitif ou d'un participe présent
Cas général
Pour déterminer l'accord ou le non-accord de ces participes passés, il faut chercher le sujet sémantique du verbe à l'infinitif ou au participe présent.
Le participe passé est variable si le COD du verbe conjugué est aussi le sujet sémantique de l'infinitif ou du participe présent qui le suit :
Les politiciens qu'on a vus s'offusquer à la télé sont aujourd'hui tous en garde à vue.
L'imprésario a engagé la chanteuse qu'il a entendue chantant sous la douche.
Mais le participe passé est invariable s'il existe deux sujets sémantiques différents :
Les explications que nous avons entendu assener nous ont bien amusés.[1]
Cas particulier des verbes d'opinion
Lorsque le participe passé d'un verbe d'expression ou d'opinion (affirmé, cru, dit, jugé, pensé, etc.) est précédé de que et suivi d'une complétive à l'infinitif, et même si le COD du verbe composé est aussi le sujet sémantique de l'infinitif, il reste invariable :
L'homme a choisi la place de ministre qu'on lui a affirmé être la moins exposée.
(= on n'a pas affirmé la place mais le fait qu'elle était la moins exposée).
Cas particulier du participe passé fait suivi d'un infinitif
Ici, la règle tient en quelques mots : fait suivi d'un infinitif est toujours invariable, car le COD de fait n'est pas le nom antéposé mais le verbe à l'infinitif :
Les informations qu'ils ont fait publier ont coulé le malheureux candidat.
Fait est également invariable quand faire remplace être. Dans la phrase suivante, on considère que le nom candidate est attribut du sujet tu et non COD de fait ; on pourrait d'ailleurs dire quelle belle première dame tu aurais été :
Quelle belle première dame tu aurais fait !
Cas particulier du participe passé laissé suivi d'un infinitif
Le participe passé laissé peut être variable si son COD est le sujet sémantique de l'infinitif[2] :
Les images que les médias ont laissées circuler étaient truquées.
On notera que, quand le sujet de l'infinitif est un pronom personnel, on peut indifféremment utiliser un pronom de forme COD ou de forme COI :
Les journalistes leur ont laissé faire ce qu'ils voulaient, ou
Les journalistes les ont laissés faire ce qu'ils voulaient.
Dans la première phrase, laissé reste invariable car leur est COI, tandis que, dans la seconde, laissés est accordé avec le pronom COD les antéposé.[3]
En revanche, le participe passé est toujours invariable s'il existe deux sujets sémantiques différents :
Les fuites dans la presse, le ministre les a laissé expliquer par son porte-parole.
Cas particulier du participe passé suivi d'une préposition et d'un infinitif
Cas général
Lorsqu'une préposition est intercalée entre un participe passé et un infinitif, le participe passé est variable si le COD du participe passé lui est antéposé :
Si tu savais la grande joie que j'ai eue à rencontrer notre candidate !
Les candidats que l'on a empêchés de participer au débat sont furieux.
En revanche, si le nom antéposé au participe passé est COD de l'infinitif, le participe passé reste invariable :
Les travaux que nous avons eu à effectuer nous ont coûté une somme rondelette.
Les villes qu'ils ont eu à visiter ne leur ont pas plu.
Les explications que le député a fini par donner n'ont convaincu personne.[4]
On remarquera toutefois qu'il est des cas où la locution avoir quelque chose à faire peut poser un problème. Citons ici un exemple de Thomas[5], exemple éclairant qui montre une différence d'interprétation notable (les gloses entre parenthèses sont de nous) :
La fable qu'il a eue à réciter était jolie (= il a eu quoi ? une fable, pour la réciter) ;
La fable qu'il a eu à réciter était jolie (= il a eu quoi ? à réciter une fable).
Cas particulier du participe passé donné
Dans la phrase qui suit, une simple analyse grammaticale indique que le participe passé donné doit être accordé car les chemises est son COD :
Les chemises que j'ai données à repasser me sont revenues toutes froissées.
Toutefois, selon Hanse et Girodet, lorsque le participe passé donné a un COI sous la forme d'un pronom personnel, donné peut indifféremment être variable ou invariable. À l'appui de leur thèse, ces deux auteurs fournissent les exemples suivants :
(a) Les rapports qu'on m'a donné à établir (Hanse).
(b) Les livres qu'on nous a donné ou donnés à lire (Hanse).
(c) Les plantes qu'on m'a donné à décrire (Girodet).
Selon nous, cet accord ne peut être aléatoire. En effet, le participe passé doit être variable si donner a son sens plein de "faire un don" ou "transmettre". C'est le cas pour les phrases (b) et (c), dont on peut modifier la fin de la façon suivante pour une meilleure compréhension de notre démonstration :[6]
(b) Les livres qu'on nous a donnés pour que nous les lisions.
(c) Les plantes qu'on m'a données pour que je les décrive.
Or, donner n'a pas ce sens de "transmettre" dans la phrase (a) : si on me demande d'établir des rapports, cela signifie qu'ils n'existent pas encore ; de ce fait, ils ne peuvent être transmis. La transformation de cette phrase sous la forme Les rapports qu'on m'a donnés pour que je les établisse est donc impossible car elle est asémantique. Dans ce cas, la seule graphie autorisée est la suivante :
Les rapports qu'on m'a donné à établir.
De tout cela, on doit conclure que, dans la phrase (a), donner fait partie de la locution donner à faire quelque chose "demander ou ordonner de faire quelque chose". On voit en effet que, si l'on remplace donner à par demander de ou ordonner de, le participe est invariable puisque les rapports est le COD du verbe établir :
Les rapports qu'on m'a ordonné d'établir sont ennuyeux au possible.
Participe passé suivi d'un infinitif sous-entendu
Les participes passés cru, daigné, demandé, désiré, dit, dû, fallu, osé, pensé, permis, prétendu, promis, prévu, pu, semblé, songé, su, voulu, entre autres participes car cette liste n'est pas exhaustive, sont invariables si leur COD est un infinitif sous-entendu :
Le nouvel élu n'a pas encore fait toutes les réformes qu'il aurait dû (faire).
Pourtant, il a fait tous les efforts qu'il a pu (fournir).
En revanche, si le COD est bien un complément exprimé et antéposé, ces participes sont naturellement variables :
Le ministre a raconté des balivernes que personne n'a crues.
Participe passé suivi d'une proposition complétive à l'infinitif
Parfois, les participes passés étudiés dans le paragraphe précédent sont suivis d'une proposition complétive à l'infinitif exprimée. Dans ce cas, le participe passé est invariable :
Nous avons vu ces candidats qu'on nous avait dit être intéressants.
En + participe passé
Cas général
Un participe passé dont le COD est le pronom en employé seul est invariable :
Le ministre a reçu des pots-de-vin et en a bien profité.
J'en ai connu, des imbéciles, mais des comme lui !
Il s'en est pris une, de bonne leçon, et ça lui apprendra.
Il est tout autant invariable s'il est suivi d'un infinitif :
Ces filles, j'en ai entendu se plaindre du matin au soir.
Cependant, l'arrêté ministériel du 28 décembre 1976 a officiellement autorisé l’accord du participe passé avec le complément qui précède en, ce qui revient à pouvoir écrire : Des imbéciles, j'en ai connus, mais des comme lui ! Riegel, pour qui « le participe passé reste en principe invariable. », concède que l'on peut aller dans le sens de cet arrêté mais à la condition que l'antécédent soit un nom comptable antéposé et au pluriel. De ce fait, la phrase suivante peut être acceptée de deux façons :
Des œufs, j'en ai acheté (ou achetés) ce matin.
Mais si le COD référent est postposé au participe passé, Riegel refuse l'accord et écrit :
J'en ai acheté ce matin, des œufs.
Pour notre part, nous recommandons l'accord traditionnel : lorsque le COD est le pronom en antéposé au participe passé, celui-ci est invariable :
Des œufs, j'en ai acheté ce matin.
En accompagné d'un adverbe de quantité
Lorsqu'une phrase comprend un adverbe de quantité (autant, beaucoup, combien, moins, plus, tant, trop, etc.), il devient difficile d'accorder le participe passé car il n'y a pas consensus entre les grammairiens. Bescherelle, nous l'avons vu, s'élève contre la tolérance édictée par l'arrêté de 1976 et prône l'invariabilité dans tous les cas, que le nom référent soit comptable ou massif, qu'il soit antéposé ou postposé au participe passé, que la phrase contienne ou non un adverbe de quantité, etc. La consigne est la même chez Grevisse, qui écrit : « La règle la plus simple et la plus pratique est de laisser toujours invariable le participe précédé du pronom en, neutre et partitif, que ce pronom soit associé ou non à un adverbe de quantité (beaucoup, combien, tant, trop, plus, etc.) », même si ce grammairien constate que l'usage est "très indécis" en la matière. Au demeurant, voici comment on doit normalement écrire :
Autant il a visité de pays, autant il en a aimé.
Cependant, Thomas note qu'il y a une « hésitation », pour le citer, à ce sujet : « En général, l'accord se fait si l'adverbe précède le pronom en ; il ne se fait pas si l'adverbe le suit », puis donne les exemples suivants :
Des livres de ce genre, combien en avez-vous lus ?
Des roses de cette variété, j'en ai beaucoup greffé.
Il en a tant écrit, de ces vers !
Larousse a une position identique à celle de Thomas, et écrit :
Autant d'ennemis il a attaqués, autant il en a vaincus.
Quant aux belles villes, j'en ai tant visité.
En ce qui nous concerne, nous recommandons l'invariabilité du participe passé car, quelle que soit la place de l'adverbe, le COD du verbe reste en, ce qui interdit tout accord.
Cas particulier de la séquence combien en
Ce qui précède nous conduit à examiner le cas particulier de l'adverbe combien. Théoriquement, un verbe précédé de la séquence combien en a un participe passé invariable, comme nous venons de le voir. C'est notamment la position de Bescherelle :
Combien en as-tu lu ?
De tous ces livres, combien en as-tu lu ?
Toutefois, cette règle ne fait pas l'unanimité. En effet, selon les Difficultés de la langue française de Larousse de 1956, Riegel et Thomas, s'il y a dans la phrase un complément antéposé au verbe et à la séquence combien en, le participe passé est variable,[7] ce qui revient à réécrire ainsi la phrase précédente :
De tous ces livres, combien en as-tu lus ?
Mais si le COD est placé après le verbe, le participe passé est invariable. C'est notamment la position de Larousse et de Riegel :
Combien en as-tu lu, de tous ces livres ?
Pour notre part, nous préconisons l'invariabilité dans tous les cas, que le complément référent (ici, de tous ces livres) soit antéposé ou postposé au verbe.
Risque de confusion entre COD et COI
Par ailleurs, on se gardera de confondre COD et COI. Dans la phrase suivante, le COD est les nouvelles et en reprend le complément sous-entendu d'Eva. De ce fait, en ne saurait exiger un participe passé invariable :
Léa a vu Eva, et les nouvelles qu'elle en a données à Léo sont bonnes.
(= les nouvelles que Léa a données d'Eva).
Cas particuliers des collectifs et des quantifiants
Verbe ayant une locution à valeur collective pour COD
Lorsque le participe passé est précédé d'une locution à valeur collective (la foule de, le plus grand nombre de, etc.), l'accord se fait selon le sens avec l'élément que l'on veut mettre en valeur, c'est-à-dire avec le nom à valeur collective (foule, nombre, etc.) ou avec le complément nominal de ce dernier :
Le président salua la foule de vedettes qu'il avait invitée (ou invitées).
Verbe ayant une fraction pour COD
Lorsque le COD antéposé est une fraction, on peut accorder le participe passé avec le nom de fraction si l'on veut insister sur l'aspect collectif :
Voici le tiers des bulletins que nous avons compté.
Mais on peut aussi accorder le participe avec le complément de la fraction pour insister sur l'idée de pluralité :
Voici le tiers des bulletins que nous avons comptés.
Cas particulier de combien de
Lorsqu'une phrase contient l'adverbe combien de, et en l'absence du pronom en (voir ci-dessus le chapitre sur en), le participe passé est variable, comme le recommande Thomas, et s'accorde avec le complément :
Combien de livres as-tu lus ?
On remarquera que Bescherelle admet aussi l'invariabilité :
Combien de livres as-tu lus (ou lu) ?
Mais si le complément de combien est placé après le verbe, le participe est invariable, comme nous l'avons vu précédemment :
Combien as-tu lu de livres ?
Les autres adverbes de quantité
Lorsqu’un participe passé a pour COD antéposé une autre adverbe de quantité (autant de, bien des, peu de, que de, trop de, etc.), il est variable et s'accorde avec le nom qui complète l'adverbe :
Bien peu des députés que nous avons rencontrés ont su nous convaincre.
Pourtant, que d'efforts ont-ils déployés pour ce faire !
Toutefois, lorsque l’adverbe est accompagné d'un article (le peu, le trop, etc.), c’est le sens de l'adverbe qui l'emporte sur le nom et c'est donc l'adverbe qui commande l'accord. De ce fait, le participe passé est invariable :
Le peu de joie qu'elle a manifesté en nous voyant était mauvais signe.[8]
Parfois, même en l'absence d'article, si l'adverbe de quantité est ressenti comme étant plus important que son complément, le participe reste invariable :
Trop de légèreté a été condamné par l'opinion publique.
Pour Thomas, ici aussi, l'accord dépend de la place du complément de l'adverbe : si celui-ci se trouve avant le verbe, le participe s'accorde, mais s'il est placé après le verbe, le participe reste invariable (les exemples qui suivent sont de cet auteur) :
Autant de livres il a lus.
Autant il a lu de livres.
Cas particulier du quantifiant le peu de
Pour compléter ce qui a été dit dans le paragraphe précédent, lorsque le peu a une valeur positive et signifie "une quantité suffisante", le participe passé est variable et s'accorde avec le complément du syntagme le peu de :
Le peu de choses qu'il a apprises lui ont été bien utiles.
Mais lorsque le peu de a une valeur négative et signifie "le manque de, la faible quantité de", le participe passé reste invariable :
Le peu de choses qu'il a appris ne lui a pas servi à grand-chose.
Participe passé précédé de un(e) de, un(e) des ou un de ceux que
Le participe passé précédé d'un COD introduit par un de ou par un des s'accorde théoriquement soit avec l'un des objets dont il est question, soit avec l'ensemble de ces objets, mais il semble que l'usage préfère l'accord au pluriel :
Voici l'une des factures qu'ils ont utilisées pour piéger le candidat.
Lorsque ces locutions introduisent un nom et un adjectif au pluriel, l'accord du participe passé se fait normalement au pluriel :
Cet ouvrage est l'un des livres les plus géniaux qu'il ait écrits.
Il en va de même avec un de ceux ou avec un de ces suivi d'un nom, où l'accord au pluriel est obligatoire :
Cette voiture, c'est une de celles qu'il a bousillées.
On notera qu'avec un de ceux-là, l'accord peut se faire au singulier si le sens de la phrase l'exige :
C'est un de ceux-là que les électeurs ont choisi pour l'élection présidentielle.
Cas particuliers de quelques structures
Participe passé placé entre que et que ou entre que et qui
Un participe passé placé entre deux pronoms relatifs que est variable si son COD est le premier de ces pronoms relatifs :
Ce sont les histoires que j'ai déjà lues que nous allons maintenant évoquer.
(j'ai déjà lu quoi ? ces histoires).
Mais ce participe passé est invariable s'il est placé entre un pronom relatif que et une conjonction que, car son COD est la proposition complétive introduite par la conjonction :
L'histoire que j'avais cru qu'on nous raconterait n'a pas été évoquée.
(j'avais cru quoi ? qu'on nous raconterait cette histoire).
Le participe passé est également invariable quand il est placé entre les deux pronoms relatifs que et qui :
Les candidats que nous avions prévu qui se présenteraient se sont désistés.
(nous avions prévu quoi ? que certains candidats se présenteraient).
Au demeurant, ces structures étant plutôt lourdes, on évitera de les utiliser.
Participe passé précédé du pronom impersonnel le
Très souvent, une proposition entière est reprise par le pronom impersonnel le. Comme ce pronom ne représente pas un COD, d'autant plus qu'il est facultatif et qu'il est un équivalent sémantique de cela, le participe passé est invariable :
La campagne électorale est encore plus agitée qu'on ne l'avait prévu.
Cela apparaît nettement avec un sujet au pluriel :
Les élections ont été plus mouvementées qu'on ne l'avait prévu.
(et non pas qu'on ne les avait prévues puisqu'on avait prévu des élections calmes et non des élections en général).
Toutefois, il peut y avoir hésitation. En effet, Grevisse fait remarquer que le pronom le peut représenter un nom et, de ce fait, l'accord relève de l'interprétation de chacun :
La maison n'était pas telle qu'on se l'était imaginée (on avait imaginé quoi ? une maison différente), et
La maison n'était pas telle qu'on se l'était imaginé (on avait imaginé quoi ? comment serait la maison).
Participe passé précédé d'une tournure avec le sujet impersonnel il
Le participe passé d'une tournure impersonnelle construite avec le pronom impersonnel il reste invariable puisque ce pronom ne réfère pas à un sujet réel :
Les deux mois qu'il a neigé ont été très pénibles.
Le ministre évoque les nombreux accidents qu'il y a eu cet été sur les routes.
La radio parle de la canicule qu'il a fait au mois d'août.
Participe passé suivi d'un adjectif ou d'un participe attributs
Si une phrase contenant un COD placé avant le participe passé principal comprend aussi un adjectif ou un second participe passé attribut du premier, celui-ci est variable :
Les nouvelles ministres, on les aurait crues plus élégantes.
Voici une robe que j'aurais préférée faite en soie.
Ils l'ont laissée pour morte.[9]
C'est une directive que le ministre n'a pas estimée utile.
Mais quand l'adjectif ou le participe attribut a une proposition pour complément, le participe passé reste invariable. Dans l'exemple suivant, le COD du participe passé estimé n'est pas directive mais la transmission éventuelle de la directive :
C'est une directive que le ministre n'a pas estimé utile de transmettre au président.
Participe passé des formes surcomposées
En principe, on accorde seulement le second participe passé des temps surcomposés car le premier participe n'est pas celui qui porte le sens :
Ce sont les meilleurs chocolats que j'ai eu mangés.
Cas particuliers de certains verbes
Cas particulier des verbes courir, coûter, dormir, durer, marcher, mesurer, payer, peser, régner, souffrir, valoir, vivre
Les verbes courir, coûter, etc., sont suivis de compléments circonstanciels de temps, de manière, etc., et non de COD, contrairement à ce que laisserait croire leur forme de compléments sans prépositions. Ils répondent ainsi aux questions quand, comment, etc., et leur participe passé est donc invariable :
Nous avons transpiré pendant toutes ces heures que nous avons couru.
Les trois kilos que ce rôti a pesé ne nous ont pas coûté cher.
Les années qu'il a vécu dans cette maison furent exceptionnelles.
Je les regrette bien, les cent euros que j'ai payé pour ce bidule.
Les vingt euros que ce livre m'a coûté le valent bien.
Mais ces verbes sont parfois suivis de véritables compléments d'objet directs et, de ce fait, leur participe passé est variable :
As-tu oublié tous les dangers que tu as courus pour parvenir à tes fins ?
La viande que le boucher a pesée est chère.
La belle histoire qu'il a vécue n'est plus qu'un souvenir.
La dette qu'il a payée lui est restée en travers de la gorge.
Les efforts que ce travail lui a coûtés seront un jour récompensés.
Cas particulier des verbes dépenser, gagner, parier, passer, perdre et rapporter
Contrairement à ce qu'une analyse rapide pourrait laisser penser, ces verbes sont transitifs, ont donc des COD, et leur participe passé est de ce fait variable :
Je regrette les vingt euros que j'ai dépensés pour ce truc.
Les vacances que nous avons passées à la plage étaient exceptionnelles.
Cas particulier de penser
Le participe passé de penser est invariable quand son COD est un infinitif sous-entendu :
Cette voiture est plus chère que je ne l'aurais pensé (être).
Dans les autres cas, le participe passé est variable :
Les transformations que l'architecte a pensées sont déroutantes.
Cas particulier de l'échapper belle
L'étymologie de l'expression l'échapper belle "éviter un danger imminent" a fait couler beaucoup d'encre. Certains auteurs ont vu ou voient dans le pronom l' le nom balle, l'expression ayant été peut-être empruntée au lexique du jeu de paume. D'autres chercheurs interprètent belle comme une forme tronquée de l'adverbe bellement. Au demeurant, et si pendant assez longtemps le participe échappé se rencontrait aussi bien au masculin qu'au féminin, c'est le masculin qui a finalement prévalu, de telle sorte qu'il convient aujourd'hui d'écrire ainsi :
À notre grande joie, nous l'avons échappé belle.[10]
Cas particulier de prendre
Utilisé avec un complément d'objet indirect, prendre peut avoir le sens de "se manifester (chez quelqu'un)". Il devient ainsi verbe intransitif, et son participe passé est invariable :
L'envie leur a pris de partir.
Cas des antécédents multiples
Antécédents reliés par ou
Lorsque l'utilisation de la conjonction de coordination ou implique un choix impératif entre deux ou plusieurs éléments, le participe passé reste invariable :
Est-ce Arsène Hateur ou Amédée Puté que les électeurs ont élu président ?
Toutefois, si l'on tient à insister sur l'un des antécédents, et s'il n'y a pas la contrainte du choix impératif énoncée ci-dessus, l'accord peut se faire avec l'antécédent que l'on choisit. La règle n'étant donc pas rigide, on préfèrera structurer sa phrase différemment de façon à éviter cette construction qui peut déboucher sur une ambiguïté. En revanche, lorsque les différents éléments n'impliquent pas de choix mais s'ajoutent, le participe passé est variable :
La volonté ou la détermination que l'on avait senties chez lui ont aujourd'hui disparu.
Grevisse ajoute à tout cela que, lorsque l'idée de disjonction domine, l'accord doit se faire avec le second antécédent, et donne l'exemple suivant :
C'est son salut ou sa perte qu'il a risquée.
Antécédents reliés par et, par ni ou par d'autres coordonnants
Dans le cas d'antécédents coordonnés par et, par ni ou par un autre coordonnant, les différents antécédents s'additionnent et le participe passé est variable :
Les promesses et les serments qu'il a faits n'ont pas convaincu les électeurs.
Ni les promesses ni les serments qu'il a faits n'ont convaincu les électeurs.
Ce sont ses qualités humaines autant que son CV que j'ai appréciés chez lui.
Ce sont mon frère ainsi que ma sœur que j'ai appelés.
Dans ce cas également, Grevisse fait intervenir la notion de disjonction possible et propose, pour ni, d'accorder le participe passé avec le second antécédent :
Ce n'est ni un abricot ni une pêche que j'ai mangée.
Or, si cet accord avec le dernier antécédent est acceptable dans le cas d'antécédents coordonnés par ou, cela nous semble plus sujet à caution dans la phrase de Grevisse car la conjonction ni, avec sa valeur négative, réfute l'existence des choses dont l'on parle, et l'accord d'un participe avec une chose inexistante nous paraît étonnant. Une solution satisfaisante consisterait alors à mettre en seconde position le complément au masculin singulier, afin que le participe passé ait une forme neutre, donc non marquée en genre.
Antécédents reliés par un comparatif
Si le sens même du comparatif indique qu'un seul élément est pris en compte, le participe passé s'accorde avec cet élément :
C'est une véritable demeure plus qu'un simple logis qu'il a achetée.
Antécédents juxtaposés avec gradation
Lorsque plusieurs antécédents juxtaposés produisent un effet de gradation, le participe est variable et s'accorde avec le dernier antécédent car on considère qu'il n'y a pas addition des différents éléments mais que le dernier englobe le sens des précédents :
L'agacement, la colère, l'exaspération qu'il a ressentie en lisant la presse l'ont fait sortir de ses gonds.
Antécédents juxtaposés avec synonymie
Dans le cas d'une juxtaposition avec synonymie, le participe passé est variable et s'accorde aussi avec le dernier antécédent :
Cet effroi, cette terreur que nous avons éprouvée, nous n'en voulons plus.
[1] Dans ce genre de phrase, l'insertion d'un complément d'agent montre qu'il y a bien deux sujets sémantiques différents : Les explications que nous avons entendu assener par le candidat nous ont bien amusés.
[2] L'Académie fait remarquer que l'application de cette règle est particulièrement malaisée, notamment avec des formes pronominales : « L'accord restant incertain dans l'usage, on pourra généraliser l'invariabilité du participe passé de laisser [et de faire] dans le cas où il est suivi d'un infinitif ». Cela signifie que l'accord de laissé selon la règle traditionnelle, entre parenthèses dans les exemples ci-dessous, ne peut être considéré comme fautif et est donc admis :
Elle s'est laissé (laissée) mourir.
Je les ai laissé (laissés) faire.
Si ce respect de l'accord traditionnel pour laissé est accepté par de nombreux grammairiens ainsi que par nous-même, l'accord de fait est en revanche vigoureusement repoussé, ce qui est également notre position. Si l'on analyse notre exemple, on voit bien que le sujet ils n'a pas fait les informations mais en a permis la publication par quelqu'un d'autre, ce qui interdit en toute logique l'accord de fait avec les informations. Naturellement, le sujet ils a pu fabriquer les nouvelles en question, mais cela est une autre histoire.
[3] Par ailleurs, on respectera l'ordre des pronoms personnels, différent selon les cas : cette nouvelle, je la leur ai laissé connaître et cette nouvelle, je les ai laissés la connaître.
[4] Dans les deux premiers exemples, on notera que l'expression avoir quelque chose à peut commuter avec devoir.
[5] Dictionnaire des difficultés de la langue française, Paris, Larousse, 1971.
[6] Pour la phrase (c), Girodet donne seulement l'invariabilité.
[7] Dans cette position, Riegel accepte la variabilité comme l'invariabilité : De tous ces livres, combien en as-tu lu ou lus ?
[8] Voir le paragraphe suivant sur les particularités de la locution le peu de.
Par ailleurs, Larousse accepte la variabilité comme l'invariabilité dans ce genre de cas, et donne l'exemple suivant : le grand nombre de succès que vous avez remporté (ou remportés).
[9] On ne confondra pas les différentes structures des deux phrases suivantes, d'autant plus que la seconde contient un infinitif et non un adjectif ou un participe adjectivé :
Le ministre a parlé de pressions qu'il a prétendues insupportables.
Or, personne ne sait rien des pressions qu'il a prétendu avoir subies (il a prétendu quoi ? avoir subi des pressions).
[10] Il en va de même pour les expressions la bailler belle "donner à accroire" et l'avoir belle "avoir des chances de réussite", expressions dont le participe passé est également toujours invariable, n'en déplaise à Grevisse pour qui « il est tout à fait acceptable de faire l'accord ».