Questions de vocabulaire
Cette catégorie traite uniquement de faits lexicaux pouvant poser problème : graphies, accords, sens ...
Solution de continuité
La locution sans solution de continuité fait l'objet d'un beau contresens dans le français contemporain puisque la vraie signification de cette locution est "sans rupture, sans interruption".
On a cru que solution devait être compris comme "explication ou résolution d'un problème". Or, il ne s'agit pas du nom solution relié à résoudre mais du nom solution "dissolution, désagrégation", dérivé du verbe disparu soudre qui signifiait "désagréger". Notons qu'il existait au XVIe siècle l'expression solution de mariage qui signifiait "divorce", littéralement "dissolution d'un mariage".
De ce fait, l'expression sans solution de continuité a pour sens "sans interruption (dans la continuité) ; elle indique donc la permanence d'un état existant. Partant de là, si l'on veut dire que l'on cherche une solution pour assurer la continuité de quelque chose, on dira que l'on cherche des moyens d'assurer la continuité de la chose en question, car le vrai sens de solution de continuité est "dissolution de la continuité", donc "interruption, rupture".
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Dictionnaire du bon français contemporain, avec des exemples effrontés et des commentaires insolents
S'immoler
Le verbe simple immoler eut d'abord pour sens "faire périr en sacrifice à une divinité", puis "sacrifier la vie de quelqu'un" et enfin "tuer, massacrer, égorger". Généralement, on utilise immoler à la forme pronominale s'immoler avec le sens de "faire le sacrifice de sa vie". L'acte de s'immoler consiste en effet à mettre fin à ses jours au nom d'une cause, qu'elle soit religieuse, politique ou philosophique. C'est en quelque sorte un suicide motivé. Ainsi peut-on dire cet opposant au régime s'est immolé pour protester contre la dictature. Lorsqu'on attente à ses jours pour des raisons qui ne relèvent pas d'une cause, le verbe courant se suicider doit être employé.
De nos jours, le verbe s'immoler est quasi exclusivement employé dans la seule locution s'immoler par le feu. Or, il n'est écrit nulle part qu'une immolation doive obligatoirement se faire par le feu. On pourrait tout à fait dire il s'est immolé en se tirant une balle de revolver. De ce fait, et contrairement à ce que l'on pourrait penser, s'immoler par le feu n'est pas un pléonasme. En revanche, la phrase suivante est un pléonasme : il s'est suicidé en s'immolant par le feu. Effectivement, l'idée de suicide est déjà présente dans s'immoler. Et gardons à l'esprit le fait qu'une immolation est motivée par une cause. Donc, dans ce genre de cas, on dira simplement il s'est suicidé par le feu.
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S'adjuger
Le verbe adjuger a pour sens "attribuer quelque chose à quelqu'un après un arbitrage ou un jugement". La forme pronominale s'adjuger signifie, quant à elle, "s'attribuer quelque chose de façon plus ou moins arbitraire". On entend souvent cette forme pronominale employée de manière fautive dans les commentaires sportifs. En effet, si l'on dit au terme de la soixante-quinzième journée du championnat, le Racing Sporting Club s'adjuge la première place, on peut s'interroger sur la régularité des matches disputés par cette équipe. On dira plus correctement et plus simplement le Racing Sporting Club occupe (ou est à) la première place du championnat. Ce qui est une belle performance, vu le nombre d'équipes que ce championnat doit comporter.
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Renseigner
Le verbe renseigner quelqu'un a pour sens, est-ce bien étonnant, "fournir un ou des renseignements". Comme on le voit, le complément d'objet direct de renseigner ne peut être qu'un humain car seuls les humains peuvent demander des renseignements. C'est pourquoi on fuira comme la peste bubonique des expressions comme renseigner un imprimé, expression stupide qui fleurit dans la bouche de ceux qui veulent faire moderne, et on se contentera de compléter ou de remplir ledit document.
De la même façon, si l'on est administrateur d'un site internet, on évitera de demander aux lecteurs de renseigner un champ. Le monde agricole a déjà bien assez de soucis comme cela, il ne lui manquerait plus que d'avoir des terres bavardes.
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Rencontrer un impondérable
Il n'aura pas échappé aux observateurs des faits de langue contemporains que l'on rencontre beaucoup, de nos jours ; c'est sûrement la vie moderne qui veut ce brassage continu. On rencontre en effet toutes sortes de choses : des problèmes, des difficultés, surtout des choses désagréables. Bien sûr, on aura deviné que cette utilisation du verbe rencontrer n'est ni plus ni moins qu'un calque de l'anglais to meet.
Nonobstant, c'est surtout un impondérable qui fait généralement l'objet de cette rencontre indésirable. Certes, le nom impondérable existe depuis longtemps puisque sa première attestation avec le sens de "cause ou événement qui ne peut être ni calculé ni prévu mais dont l'effet peut être déterminant" remonte à 1914 (définition aimablement fournie par le TLFI). Toutefois, ce n'est pas une raison pour affaiblir son sens ni pour lui donner la signification contemporaine de "inconvénient imprévu". On n'abusera donc pas du nom impondérable et on emploiera, selon les cas, inconvénient, contretemps, etc., qui sont de très bon aloi. Même si, bien sûr, rencontrer un impondérable, ça pose son homme, c'est bien plus chic que le plébéien faire face à un inconvénient.
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